Guilde Vesperaenne |
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| Les "lettres" de Lagadorn | |
| | Auteur | Message |
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Lagadorn
Nombre de messages : 194 Date d'inscription : 27/12/2006
| Sujet: Les "lettres" de Lagadorn Jeu 1 Fév - 1:58 | |
| Lagadorn est un être discret et secret. Il ne vous répondra pas si vous l'interrogez sur son caractère, ses centres d'intérêt, son passé. Celui-ci reste mystérieux. Il semble qu'il soit né en Vesperae, mais nul ne lui connaît de famille dans le royaume, ni même d'amis. Il a quitté Vesperae il y a de nombreuses années, et on sait de source sûre qu'il était un agent du Dynaste, le terrible despote du Royaume du Nord, un lointain pays dont rares sont les Vesperaens à avoir entendu parler. Mais Lagadorn a été obligé de s'exiler, et c'est ainsi qu'il échoua en terre d'Andaria.
Un étrange lien l'attache à ce royaume perdu. Un lien qui le pousse, lorsqu'il pose le pied en Andaria pour la première fois en l'an 1212 du calendrier vesperaen, à se remettre en question.
Trouvera-t-il le moyen de racheter les fautes à cause desquelles il en est arrivé à se mépriser ?
Au cours de ses années d'exil solitaire, Lagadorn a appris à ne pas s'attacher aux choses matérielles. Cependant, quelle que soit l'expédition à laquelle il se trouve mêlée, quel que soit son déguisement, quelle que soit l'heure de la journée - ou de la nuit -, Lagadorn ne se sépare jamais d'une besace dans laquelle sont entreposées une plume, une bouteille d'encre, plusieurs feuilles de parchemin, et des lettres qu'il a lui-même écrites mais qu'il n'a, semble-t-il, jamais envoyées.
Voici ces lettres. | |
| | | Lagadorn
Nombre de messages : 194 Date d'inscription : 27/12/2006
| Sujet: Première lettre Ven 9 Fév - 1:03 | |
| Mon Aimée,
Mon cœur souffre car il saigne. Mon corps tremble car il se sent coupable. Mon âme est noire car elle est corrompue. La douleur que je ressens dépasse tout ce que j'ai eu à supporter jusqu'à présent. Je ne t'ai pas tout raconté, et cela a été une erreur. La première d'une longue liste. Alors, pourquoi cette lettre ? Est-ce pour me racheter ? Non, car il est trop tard, tu le sais bien, et moi aussi. J'ai passé ma vie à ne rien regretter, et ce qui me rend fou aujourd'hui, ce sont les remords. Me voici seul, perdu, au milieu d'un océan que je ne connais pas, au milieu d'ombres qui ne me connaissent pas. Il fait nuit, un lourd silence pèse sur les flots. La brume monte lentement et caresse les bords de mon esquif. Les éléments se sont rassemblés pour me jeter au visage le spectacle de ma propre situation, qui n'est que la juste conséquence d'une suite d'actions de mauvais conseil. En cela, je ne diffère pas de la funeste lignée dont je suis issu... voilà un aspect de mon passé que je ne t'ai pas dévoilé non plus.
Pourquoi ai-je agi avec tant d'arrogance ? Je t'ai pardonné trop tard ta trahison, alors que depuis le début je te cachais de nombreuses vérités. Deux êtres qui se mentent ainsi, peuvent-ils seulement espérer se retrouver ? Pourtant, nous avons réussi, mon aimée. L'espace d'un court instant, nous avons partagé ce bonheur que nous nous dissimulions. Un bonheur qui s'est trop vite effacé pour laisser place aux regrets.
Ce bonheur était noyé de larmes, tes mots d'amour étaient teintés de sang. J'ai accompli ta volonté, le sais-tu ? Arn'ass Tolië n'est plus. Il était leur maître. Je l'ai fait souffrir pour ce qu'il t'a fait. Certes, cela n'a pas apaisé mes remords, cela n'a pas étouffé ma culpabilité. Mais cet homme était responsable de ton propre avilissement. Que serais-tu, aujourd'hui, si cette secte malfaisante n'avait jamais existé ? Seul, perdu au milieu de cette mer d'encre, il me plaît de t'imaginer courant dans ces forêts que, par une cruelle ironie du sort, tu n'as jamais vues. Sais-tu que moi, je les ai vues ? Encore quelque chose que j'aurais dû te dire...
Fermons les yeux, et continuons de courir. Les feuilles tombent, mais l'automne, dans cette forêt, est synonyme de renouveau, et même les feuilles mortes resplendissent, même la sève qui pourrit dégage une fragrance exquise. Et voilà que j'y suis, moi aussi, dans cette forêt. Je te regarde, mais je ne me montre pas, de peur de briser la félicité qu'exprime ton doux visage.
Et moi aussi, je souris.
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| | | Lagadorn
Nombre de messages : 194 Date d'inscription : 27/12/2006
| Sujet: Deuxième lettre Jeu 8 Mar - 1:30 | |
| Mon Aimée,
Moi qui croyais passer le reste de ma vie à rêver de ton souvenir, voilà que tu réapparais. Cette terre où le destin m'a conduit, cette terre que je parcours avec émerveillement depuis plusieurs semaines, je l'ai déjà vue. Le souffle du vent dans les arbres, la rumeur de la faune sauvage, le bruissement des torrents qui dévalent les plaines, tous ces murmures qui respirent la vie résonnent comme des échos de ta propre voix. Mais seul le parfum qui imprègne cette nature inconnue suffirait à me donner l'indice de ta présence. Cette sérénité que je goûte à présent, après une éternité de chaos et de sang, il n'y a qu'avec toi que je l'ai ressentie, l'espace d'un court instant que j'aimerais tant revivre.
Te rappelles-tu notre rencontre ? Te rappelles-tu, dans les couloirs impersonnels de ce palais qui respire l'arrogance, ce moment suprême où nous nous sommes croisés ? Était-ce le hasard, ou avais-tu déjà entamé tes manœuvres ? Peu importe, à présent. Tu ne me diras jamais la réponse. Je préfère croire en l'intervention de la fortune. Ce regard que nous nous sommes lancé, ces mots si creux que nous nous sommes échangés, et ce dialogue muet mais ô combien plus vrai que nos corps ont murmuré...
J'ai l'impression de revivre cet instant, alors que je chemine dans ces bois clairsemés. Peut-être souris-tu, à la lecture de ces mots... Comment une contrée, aussi merveilleuse soit-elle, peut-elle éveiller les mêmes sentiments qu'un être humain ? Et pourquoi pas, après tout ? Lorsqu'un fruit resplendit, rouge sous le soleil, n'as-tu pas envie de le cueillir ?
Je n'ai jamais aimé Vesperae et son odeur de corruption. Je n'ai jamais aimé le Royaume du Nord, sans cesse étouffé sous les cris de la colère et de la guerre. Mais j'aime ce nouveau pays.
Comment en ai-je su le nom ? Je me suis réveillé, quelques jours après mon arrivée, en sachant que je n'étais plus perdu. Avais-je, enfoui dans ma mémoire, le souvenir des anciennes cartes que je dessinais ? Je préfère me dire que c'est cette terre elle-même qui m'a parlé, dans mon sommeil. Et que, pour me souhaiter la bienvenue, elle m'a sussurré son nom.
Andaria. | |
| | | Lagadorn
Nombre de messages : 194 Date d'inscription : 27/12/2006
| Sujet: Troisième lettre Jeu 24 Mai - 2:04 | |
| Mon Aimée,
Cette terre d'Andaria est si semblable à toi : belle, douce, paisible, mais gardienne de tant de secrets. Chaque jour qui passe, je te découvre davantage. Ces arbres aux hauteurs indiscernables... Ces animaux, inhabitués à la présence humaine, inconscients de leur bonheur... Cette clairière au milieu de laquelle coule une source d'eau claire, fantasme réalisé de tous les amoureux de la nature...
Et cette flore abondante, que je n'avais jamais vue auparavant, m'émeut plus que tout. Son parfum envahit l'air, ses feuilles sont si fines au toucher... Elle me rappelle le temps que j'ai passé dans ces cités stériles, tournant le dos à ma nature, épousant sans le vouloir ce que je fuyais : la violence et le sang.
Quelle folie m'a guidé lorsque j'acceptai de devenir l'agent du Dynaste ? Quelle naïveté m'a occulté la véritable nature de ma nouvelle profession ? Quelle inconscience m'a poussé à éprouver le plaisir d'accomplir ce que j'ai accompli ?
Moi qui croyais au prestige attaché à la fonction d'assassin. Moi qui croyais qu'il n'y avait de talent plus grand que celui de tuer "proprement".
Qui donc est capable de tuer proprement ? Est-ce parce que le sang ne coule pas que les mains en restent vierges de toute trace ? Est-ce parce que la victime ne souffre pas que personne ne pleure ? Est-ce parce que la cause est noble que le meurtre l'est aussi ?
Les réponses à ces questions sont indiscutables. Et pourtant, j'ai fait couler le sang, mes victimes ont souffert, et la cause que je défendais était loin d'être noble.
Il n'y a rien de beau dans le meurtre. En écrivant ces quelques mots, je découvre que j'ai passé 12 années sans m'apercevoir de cette vérité pourtant évidente.
C'est pourquoi j'ai décidé de te faire un don, aujourd'hui, de rendre à Andaria, à cette terre si vivante, l'instrument avec lequel j'ai commis tant de carnages, l'arme qui faisait autrefois ma fierté.
Andaria, je te donne Aiglos, mon arc. | |
| | | Lagadorn
Nombre de messages : 194 Date d'inscription : 27/12/2006
| Sujet: Quatrième lettre Mar 29 Mai - 13:44 | |
| Mon Aimée,
Je ne crois pas aux signes, et pourtant ma vie en est remplie. Et même ici, en terre d'Andaria, j'en vois partout où je pose mon regard.
Mais certains sont funestes.
La barque qui m'a amené ici était toujours là, évidemment, accrochée aux roseaux qui parsèment le rivage. J'avais abandonné Aiglos au fond de l'embarcation ; il aurait peut-être mieux valu que Zandaros l'emporte, mais les dieux préfèrent n'en ont sans doute pas fini avec moi. Je n'ai pas été surpris lorsque j'ai retrouvé la barque telle qu'elle était lors de mon arrivée, il y a près d'un mois maintenant. Et Aiglos attendait sagement mon retour.
Je me demande quelle folie conduit les hommes à donner un nom à leurs instruments de mort, à en faire des compagnons d'armes. À trop vouloir chérir un objet, fût-il maudit par essence, on finit par lui donner vie. Étrange relation que celle qui unit un homme à son épée, à sa lance, à son armure. Une relation teintée d'amour, pour une entreprise vouée à la haine.
Les elfes de Cirel m'ont offert Aiglos lors de mon séjour parmi eux. Cet arc, au bois finement ouvragé mais solide, est capable de tirer sa flèche sur une distance considérable, avec une précision mortelle et une souplesse indéniable. J'ai mis peu de temps à dompter Aiglos - Maikanglachil dans la langue des elfes, l'arc "aux traits ardents et acérés". Les elfes fabriquent leurs armes en commun, ils concentrent leur science et leur savoir-faire, et le futur propriétaire assiste à sa confection. Il s'agissait d'un don de ces elfes, et maintenant j'en viens à me demander pourquoi un peuple si paisible, à la culture millénaire, est capable de construire des armes si mortelles. Est-ce vraiment pour se défendre des agressions humaines, démoniaques, ou autres ? Si l'histoire de ce peuple leur donne raison, mon amertume d'aujourd'hui me pousse à douter du pacifisme qu'on leur attache souvent.
Avec Aiglos - mon arc, cessons de donner un nom à une chose aussi ignoble -, je suis retourné à la grotte où j'ai élu domicile. Mais avant de faire don de mon compagnon de meurtres à Andaria, j'ai voulu tirer une dernière flèche. J'ai voulu lui dire adieu.
Est-ce parce que c'était la dernière, est-ce parce que les bois d'Andaria m'empêchaient, à leur manière, d'aller au bout de mon entreprise, toujours est-il que j'ai passé une bonne partie de l'après-midi à confectionner cette flèche. Mais elle était parfaite, et alors que le jour commençait à baisser, j'ai empoigné Aiglos et j'ai encoché le trait. Pour mon ultime tir, j'ai choisi de ne viser aucune créature vivante. Songeant au temps depuis lequel je n'avais jamais utilisé Aiglos de cette manière, songeant au nombre d'hommes - et de femmes - désignés par mes flèches, j'ai levé l'arc vers les cieux, alors qu'un nuage, poussé par le vent, dévoilait la lueur orangée de Davos.
Je songeais alors à ma dernière victime, ma dernière erreur.
Je maudissais mon adresse que tous autrefois admiraient, je maudissais mon orgueil qui, je l'espérais, disparaîtrait avec ma dernière flèche.
Et fermant les yeux, adressant une prière muette à je ne sais qui, j'ai tiré.
Le trait a fusé, produisant ce son que j'avais trop souvent entendu, avant de disparaître dans les cieux. Puis, avec un curieux pincement au cœur, j'ai creusé un trou dans la terre meuble du seuil de ma grotte. À mains nues, j'ai remué la terre d'Andaria, j'y ai plongé mes bras, avant d'y déposer Aiglos. J'ai longtemps regardé mon arc, et lorsque la nuit est tombée, j'ai refermé la tombe.
Je ne me souviens plus de mes sentiments de ce soir-là. Car en rassemblant du bois pour le feu, j'ai fait une découverte, à quelque distance. Une découverte qui m'a violemment remué.
Un signe, comme je te disais.
Un oiseau au plumage bleuté gisait sur le sol, ma flèche en travers de sa gorge. | |
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